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CENT-VINGT-TROISIÈME SERMON.
1. « Conduisez-vous selon l'esprit et vous n'accomplirez point les désirs de la chair (Galat. V, 16).» Il y a des hommes qui se conduisent. selon la chair et qui n'ont qu'un souci, savoir comment ils pourront éviter les ennuis de la chair. Ce sont ceux qui, tout en approuvant la vertu, veulent toutefois éviter absolument tous les ennuis de la chair, ne savent point résister à ses concupiscences mauvaises. C'est à eux que l'Apôtre dit : « conduisez-vous selon l'esprit, c'est-à-dire, cessez de vous préoccuper des moyens d'échapper aux ennuis de la chair. Dans cette vie, l'esprit a deux degrés, le supérieur et l'inférieur. Au degré inférieur, l'homme se conduit. selon son esprit, mais au degré supérieur, c'est selon l'esprit de Dieu qu'il se dirige. Il est au degré inférieur quand, rentré dans son coeur, il est plein d'inquiétude au sujet de ses affections, et se reproche tout ce qu'il sait contraire â la vertu. A ce degré, il offre à Dieu, par la componction , le sacrifice d'un esprit troublé et d'un coeur humilié. Mais en montant de ce degré au degré supérieur, il commence à songer aux bienfaits de Dieu, puis, se tournant du côté des actions de grâces, il offre à Dieu, par la dévotion, un sacrifice de louange. A l'un et à l'autre degré, il voit Jésus-Christ, mais au premier degré, il le voit crucifié et, au second, couronné de gloire et d'honneur. C'était au premier que se trouvait Isaïe quand il disait : « Et nous l'avons vu, et il n'avait plus ni aspect, ni beauté (Isa. LIII, 2). » Mais il était au second quand il s'est écrié : « J'ai vu le Seigneur assis sur un trône élevé (Isa. VII, 1). » Remarquez de plus que dans le premier cas, il dit : nous avons vu, » tandis que dans le second, il dit : « j'ai vu; » c'est que l'un est commun à beaucoup en môme temps, c'est. le fait des pécheurs; l'autre n'est propre qu'à un petit nombre, ce n'est le fait que du Prophète; aussi l'Apôtre dit-il «Nous ne connaissons le Christ qu'en partie, et même nous ne le connaissons que crucifié; nous ne prophétisons aussi qu'en partie, car nous ne le voyons point encore tel qu'il est (I Cor. XIII, 9). Mais nous savons que lorsqu'il aura apparu, nous serons semblables à lui, attendu que nous le verrons tel qu'il est (I Joan. III, 2). » Le Prophète vit donc, mais non point d'un oeil prophétique, le Seigneur assis sur un trône élevé, c'est-à-dire sur la nature angélique, et haut, c'est-à-dire, sur la nature humaine : car, c'est lui qui relèvera le pauvre de sa poussière et l'indigent de son fumier; pour le faire asseoir avec les princes et lui faire occuper un trône de gloire. « Et toute la terre était remplie de sa majesté (Isa. VII, 3). » Toute la terre, dit-il, cela veut dire tous les corps des élus qui seront pleins de sa majesté quand il transformera notre corps, tout vil et abject qu'il est, et le rendra conforme à son corps glorieux (Philipp. III, 21). » Et ce qui était au dessus de lui, remplissait le temple (Isa. VI, 1). » Quand les hypocrites et ceux qui, étant invités, refusent de venir, seront jetés dans les ténèbres extérieures, les humbles et ceux qui sont soumis à Dieu rempliront le temple, car il sauvera le peuple des humbles, et il humiliera les yeux des superbes (Psal. XVII, 28). 2. « Des séraphins se tenaient au dessus, l'un avait six ailes, et l'autre en avait également six (Isa. VI, 2). » Les séraphins, les ardents, représentent ceux qui servent Dieu dans la, ferveur, ceux que le Seigneur trouve vigilants, et qu'il établira sur tous ses biens. «L'un avait six ailes et l'autre en avait également six: «Parce que, non-seulement les prélats, mais aussi les inférieurs ont des ailes et sont des séraphins, s'ils sont fervents : «Avec deux de ces ailes ils se couvraient la tête, et avec deux autres ils se couvraient les pieds, et avec les deux qui restaient ils volaient (Ibid.). » Les âmes ferventes ont des ailes pour voler, ce sont la crainte et l'espérance, car les êtres qui volent tantôt montent et tantôt descendent. Or, par l'espérance on s'élève, attendu qu'on habite dans les cieux. Aussi, quelques-uns de ceux qui s'élèvent ainsi disent-ils: « Notre vie est dans le ciel (Philipp. III, 20).» Par la crainte on descend, car c'est en condescendant aux faibles qu'on les relève, en réfléchissant sur soi-même, et en craignant d'être tenté aussi (Galat. IV, 1.) « Avec deux de leurs ailes ils se couvraient les pieds. » Or, les pieds ce sont les affections, car c'est par elles qu'on se joint au prochain. Mais comme il est blessé de deux manières, d'abord par un excès de sévérité qui abat les faibles, et en second lieu par un excès de bonté qui consent à leurs vices, les séraphins les voilaient de deux de leurs ailes; c'est-à-dire de l'aile de la considération de notre propre fragilité contre un excès de sévérité, et de l'aile du zèle de la rectitude contre un excès de bonté. « De deux de leurs ailes ils voilaient leur tête. » La tête, c'est l'intention de la contemplation, ou l'intellect spirituel. Les séraphins la voilent de deux ailes à cause des ennemis à cause de la vaine gloire, et de l'orgueil caché; ils ont une aile contre la vaine gloire, c'est l'amour de la vérité, et une autre contre l'orgueil, c'est le goût de l'humilité.
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