SERMON LXXXVII
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QUATRE-VINGT-SEPTIÈME SERMON. Le baiser de l'Epoux ou la grâce de la contemplation.

 

1. « Qu'il me donne un baiser de sa bouche (Cant. I, 4). Il y a trois sortes de baisers : le baiser des pieds, le baiser des mains et le baiser de la bouche. Le Seigneur a deux pieds. ce sont la miséricorde et la vérité. Or Dieu imprime ses deux pieds dans le coeur de ceux qui se convertissent, et tout pécheur qui se convertit sincèrement embrasse ces deux pieds; car s'il ne recevait que la miséricorde sans la vérité, il tomberait dans la présomption; de même s'il recevait la vérité sans la miséricorde, il périrait inévitablement de désespoir. Mais pour être sauvé, il se jette humblement à ces deux pieds du Seigneur en même temps, afin de condamner ses péchés par la vérité, et d'espérer le pardon par la miséricorde, et voilà le premier baiser. Le second baiser a lieu dès que nous nous levons pour les bonnes oeuvres. Nous baisons en effet la main du Seigneur quand nous lui offrons de bonnes oeuvres ou quand nous recevons de lui des dons de vertus. Quant au troisième baiser, il a lieu quand, après avoir fini de verser les larmes de la pénitence et reçu la grâce des vertus, l'âme, animée de célestes désirs, aspire avec toute les impatiences de l'amour et se voit introduite dans les joies secrètes de sa chambre intérieure. Alors elle chante de la voix du coeur entrecoupée par de doux soupirs : « Seigneur, je rechercherai votre visage (Psal. LXII, 8). « Son désir est si ardent, qu'il lui rend son époux présent, tant elle l'aime, tant elle le désire, tant elle soupire après lui. Ainsi le premier baiser se donne dans la rémission des péchés et s'appelle le baiser de propitiation. Le second a lieu dans les dons des vertus et s'appelle le baiser des présents. Le troisième se donne dans la contemplation des choses célestes, et s'appelle le baiser de la contemplation.

2. Or il faut savoir qu'il y a deux sortes de contemplations. Il y en a qui montent, qui sont ravis, et d'autres qui tombent et descendent. Les uns montent comme il est écrit : « Ayant connu Dieu, ils ne l'ont point glorifié comme Dieu, et ils ne lui ont point rendu grâces (Rom. I, 24). » Or, ils n'ont point rendu grâces parce qu'ils ont attribué à leurs forces et à leur génie ce que Dieu leur a révélé. Aussi son t-ils tombés « et ils se sont évanouis dans leurs vains raisonnements, et leur cœur insensé a été rempli de ténèbres,.ils sont devenus fous en s'attribuant le nom de sages. (Ibidem). » Au contraire, les élus sont ravis comme saint Paul et ceux qui lui ressemblent. Mais ils descendent aussi pour découvrir dans leurs discours aux petits ce qu'ils ont vu dans leur ravissement, et le leur découvrir de manière à se faire comprendre d'eux. Paul est ravi quand il dit: «Soit que nous soyons emportés comme hors de nous-mêmes, c'est pour Dieu que nous le sommes (II Cor. V, 13); » mais il descend quand il dit. « Soit que nous nous tempérions, c'est pour vous (Ibidem). » C'est par ce dernier genre de contemplation que l'âme parfaite désire être ravie dans les plus chastes embrassements de son époux quand elle s'écrie : « Qu'il me baise d'un baiser de sa bouche (Cant. I, 1). » C'est comme si elle disait, je ne saurais par mes propres forces, ni par mon industrie, ni par mes propres mérites, m'élever jusqu'à contempler la joie de mon Seigneur; mais pour lui, « qu'il me baise d'un baiser de sa bouche,» c'est-à-dire qu'il me le fasse donner par sa grâce : qu'il ne me baise point par sa doctrine, ni par sa nature, mais « qu'il me donne, » par sa grâce, « un baiser de sa bouche. » Elle exprime admirablement bien la grâce de celui qui opère son opération et le mode dont il opère; car lorsqu'elle dit « qu'il me baise, » c'est la grâce de l'opérateur; et quand elle ajoute « d'un baiser, » c'est l'opération même, je veux dire la contemplation; et lorsqu'elle continue, en disant « de sa bouche, » elle exprime en termes évidents le mode dont il opère, c'est-à-dire la manière dont se fait la contemplation, car par la bouche on entend la parole.

3. La contemplation se fait par l'abaissement du Verbe de Dieu vers la nature humaine, avec le secours de la grâce et par l'élévation de la nature humaine vers le Verbe, avec l'aide de l'amour de Dieu. Il ne doit point sembler absurde que nous fassions ces distinctions dans la contemplation du Verbe de Dieu, puisque, selon l'Évangile, son incarnation s'est faite de la même manière. En effet, pour l'incarnation, la grâce précède, car, si l'Ange salue la Sainte Vierge, c'est en ces termes : « Je vous salue, pleine de grâce (Luc. I, 28). » Puis, il ajoute de qui est cette grâce et combien elle est grande, en disant : « Le Seigneur est avec vous. » Enfin, il en, indique l'opération par ces mots : « Le Fruit de votre ventre est béni. » Ce fruit, en effet, ô Marie, c'est l'incarnation du Verbe. Quant à là manière dont s'opère cette merveille, l'Ange vous l'apprend en disant: « L'Esprit-Saint surviendra en vous et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre (Ibid. 35). » C'est dans ces oeuvres du Verbe, tant celles que nous trouvons dans l'Évangile que celles que nous avons exposées dans le Cantique des cantiques, qu'il est manifeste que l'incarnation s'est faite par la seule abondance de la grâce de Dieu, et que la contemplation ne peut provenir que de la grâce de Dieu, jamais de la volonté de l'homme.

4. or, il faut remarquer que la contemplation, suivant les divers états des temps, est de trois sortes. D'abord, c'est une nourriture, puis une boisson, et enfin une ivresse. Aussi, dans les versets suivants, l'Époux invite-t-il ses amis en ces termes : « Mangez, mes amis, buvez et enivrez-vous, mes bien-aimés (Cant. V, 1). » Ils commencent par manger, c'est ce qu'ils font tant qu'ils vivent dans la chair; mais, lorsqu'ils ont dépouillé le vêtement de leur corps et qu'ils sont transportés dans le ciel, alors on dit qu'ils boivent ce qu'ils mangeaient d'abord, parce qu'ils contemplent en face et sans peine ce qu'ils avaient d'abord cru seulement par la foi, alors qu'ils étaient encore en exil loin du Seigneur, dans leurs corps, et qu'ils ne mangeaient leur pain qu'à la sueur de leur front. C'est ainsi que nous prenons plus facilement ce que nous buvons que ce que nous mangeons, car, s'il faut se donner quelque peine pour manger, il n'y en a qu'une bien légère à prendre pour boire. Quand les saints se trouvent dans cet état, ils peuvent boire, mais ils ne sauraient encore s'enivrer, car ils sont, en quelque sorte, retardés sur la voie de la parfaite contemplation de Dieu jusqu'à la fin du siècle présent, où ils espèrent la résurrection de leur corps. Mais, quand elle se sera faite, le corps adhérera si bien à Pâme et l'âme à Dieu, qu'il n'y aura plus rien alors qui puisse la tirer de l'enivrement intérieur de la contemplation de Dieu. Ceux qui mangent comme ils y sont invités parla première invitation, sont les amis, c'est-à-dire ceux qui sont chers; à la seconde invitation, ils boivent; alors ils sont plus chers ; ils s'enivrent à la troisième, alors ils sont très-chers.

5. « Car vos mamelles sont meilleures que le vin (Cant. I, 1). » L'Épouse a donc deux mamelles : l'une est la mémoire de la félicitation, et l'autre celle de la compassion. C'est ce qui faisait dire à l'Apôtre : quand il réchauffait les petits enfants sur ses deux mamelles : « Soyez dans la joie avec ceux qui se réjouissent, et pleurez avec ceux qui pleurent (Rom. XII, 15), » Le vin est pris ici pour les désirs du siècle dont il est écrit : « Leur vin est le fiel des dragons et le venin mortel des aspics (Deut. XXXII, 33). »

6. « Elles exhalent l'odeur des parfums les plus précieux (Cant. I, 2). » Par ces mots l'Époux fait entendre que, s'il y a des parfums qui sont bons, il y en a qui sont meilleurs, et il en est de très-bons qui l'emportent sur tous les autres. On peut donc dire qu'il y a trois sortes de parfums. Le premier est celui qui découle du souvenir de nos péchés, quand nous en ressentons de la componction et que nous en demandons le pardon. Ce parfum-là est bon, car Dieu ne méprise point un coeur contrit et humilié (Psal. L, 19). Or, ce parfum est celui qu'on répand sur les pieds du Seigneur, où il reçoit sa récompense, je veux dire la rémission des péchés, quand le Seigneur dit : « Beaucoup de péchés lui ont été remis, parce qu'elle a beaucoup aimé (Luc. VII, 47). » Le second découle du souvenir des bienfaits de Dieu, et celui-là se répand justement sur la tête, car les vertus ne peuvent se rapporter qu'à Dieu de qui elles viennent. Ce parfum est déjà plus cher que le premier, aussi est-il écrit de lui : « Pourquoi faire cette perte de parfum ? On aurait pu le vendre plus de trois cents deniers et en donner le prix aux pauvres (Matt. XXVI, 6) ? » Mais le Seigneur en approuve la  perte quand il dit: « Laissez-la. Pourquoi faites-vous de la peine à cette femme? vous aurez toujours des pauvres avec vous, mais pour moi, vous ne m'aurez pas toujours (Ibid. 10). » Non-seulement il approuve, mais il récompense l'effusion de ce parfum en disant : « Je vous le dis, en vérité : partout où sera prêché cet évangile dans le monde entier, on racontera à la louange de cette femme ce qu'elle vient de faire (Ibid. 13). » Le troisième parfum est composé d'aromates précieuses, comme il est dit à propos des saintes femmes, que « elles achetèrent des aromates pour venir embaumer Jésus (Marc. XVI, 1). » Mais ce troisième parfum ne se répand ni ne se perd, le Seigneur n'a pas voulu qu'on le répandît sur son corps mort, mais qu'on le réservât pour son corps vivant, je veux dire pour sa sainte Église, à qui les saintes femmes, qui étaient venues à son tombeau avec des parfums, sont envoyées annoncer sa résurrection, Ainsi le premier parfum est celui de la componction, et se consume sur le feu de la contrition; le second est celui de la dévotion et se brûle sur le feu de l'amour, le troisième est le parfum de la piété, on ne le brûle point, mais on le conserve tout entier.

 

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