SERMON CXI
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CENT-ONZIÈME SERMON. Il faut prouver sa foi par sa vie et par ses moeurs, ou les six témoignages à rendre à Dieu.

 

1. On ne doute point, pour peu qu'on ait seulement le nom de chrétien, que l'éternelle félicité de la céleste patrie, et les tourments de l'enfer réservés aux impies, surpassent non-seulement les sens du corps de l'homme, mais encore la portée même de l'intelligence du coeur. Plût au ciel que cette foi subsistât dans tous les hommes, et produisit des conséquences dignes d'une telle croyance, d'un côté, allumât nos désirs et de l'autre excitât nos craintes? En effet, qu'est-ce, qui nous empêche de braver les épées tirées contre nous, ou môme de passer parles flammes s'il le fallait, pour échapper à un tel malheur, et pour nous élancer vers une si grande gloire, si ce n'est que notre foi est insensible et morte? Ajoutez à cela, pour mettre le comble à notre malheur, aux obstacles de notre salut et aux occasions de nous perdre, que, dans l'estime que nous faisons de cette double fin qui nous attend, notre coeur n'est pas d'accord avec le jugement, et que même dans l'examen des deux voies qui se présentent à nous, nous ne tenons pas assez compte du jugement de la vérité même. Il ne faut pas nous étonner si nos désirs ne sont excités par aucun goût de vertus, la pensée de l'éternelle félicité elle-même, les laisse engourdis, ni qu'on ne craigne point l'amertume présente du péché, puisque même les supplices éternels préparés au diable et à ses anges, ne nous inspirent aucune appréhension. Cela ne s'explique que parce que, dans les choses qui nous touchent de près, bien qu'elles soient moindres que d'autres, nous désirons avec plus d'ardeur les agréables, et redoutons de même les fâcheuses.

2. Mais ce dont je ne puis assez m'étonner, c'est que notre foi chancelle au sujet du présent quand elle semble si certaine sur l'avenir. C'est ainsi, ô insensés enfants d'Adam que, ne jugeant et ne discernant point ce qui est, lorsque vous avez les promesses de la vie présente et de la vie future (I Tim. IV, 8), vous vous montrez incrédules et infidèles dans la vie même qu'il vous est donné de vivre, en sorte qu'il semble évident que la foi des promesses à venir, ne nous a été laissée que pour mettre le comble à votre damnation. On peut en dire autant des menaces que des promesses. En effet, est-ce que le Dieu qui nous assure qu'il y a un royaume préparé pour les élus, et un feu pour les réprouvés, n'est pas le même qui nous atteste avec autant de vérité et de la même bouche, que ceux qui ne s'approchent point de lui sont dans le travail et la peine et sont chargés, tandis que ceux qui viennent à lui ne sauraient défaillir, comme pourrait le craindre la faiblesse humaine, mais seront fortifiés par lui? Celui qui nous promet un royaume à jamais délectable est le même qui nous assure que son joug est doux et son fardeau léger. Celui qui nous promet une béatitude éternelle dans la patrie, nous promet aussi dans la vie présente du repos et des forces. Enfin le Prophète nous dit: « L'oreille n'a point ouï, l'œi1 n'a point vu, et le coeur de l'homme n'a jamais conçu ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment (Isa. LXIV, 4 et I Cor. II, 9) : » Et nous le croyons bien volontiers tous. Quant au maître même des prophètes, voici comment il s'exprime : « Venez à moi vous tous qui travaillez et qui êtes chargés, et je vous soulagerai prenez mon joug sur vous, et vous trouverez le repos pour vos âmes, car mon joug est doux et mon fardeau léger (Matt. XI, 28). » Or, combien n'y en a-t-il pas qui détournent l'oreille de leur coeur? Car pour celle du corps peut-être n'oseraient-ils point le faire. Qu'est-ce que cette incrédulité-là? Ou plutôt quelle folie n'est-ce point? Comme si la Sagesse pouvait se tromper, ou la vérité induire en erreur? Comme si la charité ne voulait point donner ce qu'elle offre, ou la Toute-Puissance ne pouvait tenir à ses promesses.

3. Quel homme est assez adonné au plaisir de la table et des sens pour ne point embrasser la sobriété et la chasteté, s'il était certain qu'elles lui donneront de plus grandes jouissances? Qui est assez ambitieux pour ne point se montrer content de l'état le plus humble, et de la pauvreté la plus extrême, s'il savait que la charité qui ne cherche point ses propres avantages est plus aimable, comme elle l'est en effet, que toutes les dignités de ce monde? Où est l'avare qui ne ferait fi de tous les trésors, s'il était convaincu que la pauvreté est plus agréable ? C'est donc en vain         maintenant que Jésus-Christ nous assure de toutes les façons que son fardeau est léger, puisque ceux-là même qui portent le nom de Chrétiens réputent le fardeau du diable, et le joug de la chair et du siècle beaucoup plus délicieux. Mais d'où vient, Seigneur mon Dieu, que vous êtes, en effet, aussi inconsidéré qu'ils le font croire? Pourquoi promettre si haut ce qu'il est si facile de prouver que vous n'accordez point? Vous assurez que votre esprit est plus doux que le miel en ses rayons, et voilà là des hommes qui trouvent plus douce la chair du gibier, que dis-je, ô honte, le corps d'une prostituée, la vanité du siècle. Malheur à eux! Les infortunés ne jugent les choses que d'un côté, et ils ont du dégoût pour votre manne cachée qu'ils n'ont point goûtée ! Ah, ceux qui en ont fait la double expérience, savent bien que Dieu est véridique (Rom. III, 4), tandis que tout homme est menteur; aussi devrait-on regarder leur témoignage comme extrêmement digne de foi, mais, ô mon Dieu, on se rit et on tient aussi peu compte de vos promesses que de l'expérience des vôtres, car les hommes charnels ne perçoivent point les choses qui sont de Dieu; elles leur paraissent de la folie (I Cor. II, 14). Il ne faut pas s'étonner que l'homme ne croie pas à l'expérience d'un autre homme quand il ne croit pas même à la promesse de son Dieu. Voilà donc comment nous sommes traités d'insensés, nous autres qui prêchons la douceur de la croix du Seigneur, parlons avec éloge des délices de la pauvreté, exaltons la gloire de l'humilité, et n'ayons à la bouche que les louanges des délices de la chasteté. Eh bien! qu'on traite d'insensé avec nous le Prophète qui nous assure qu'il a trouvé des délices dans la loi du Seigneur, comme ion en trouve dans tous les trésors du monde (Psal. CXVIII, 14).

4. Mais vous qui êtes sages à vos propres yeux, préférez à la loi de Dieu, je ne dis point tous les trésors du monde, mais les quelques richesses que vous pouvez mendier où vous voudrez, mais jamais votre foi n'aura un témoignage. C'est en vous qu'il se trouvera, dans le secret, dans un recoin (Matt. VI, 4), là où le Père céleste lui-même ne saurait vous voir, mais où il peut vous dire «je ne vous connais point (Matt. XXV, 12). » Vous croyez fermement que Dieu est juste, véridique, rémunérateur, tout-puissant, souverainement bon et éternel. Soyez donc des aspics sourds et se bouchant les oreilles pour ne point entendre ses reproches quand il vous dira : « Montrez-moi votre foi sans les oeuvres (Jacob. II, 18). » Que vous en coûte-t-il de croire ? Mais gardez-vous bien d'entrer dans la voie des commandements, car elle est ardue, roide et impraticable. Ah ! hommes malheureux, infortunés ! vous n'avez point trouvé la voie qui conduit à la cité où vous pussiez habiter (Psal. CVI, 4), aussi vous êtes-vous égarés dans des lieux où il n'y a ni chemin ni sentier. Les termes de la voie qui vous semble bonne, et que vous trouvez charmante, mais qui n'a, en effet, rien qui ressemble à de vrais charmes, c'est un précipice qui va jusqu'au fond de l'enfer; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. Sortez de votre sommeil, ô vous qui êtes ivres, et pleurez si vous ne voulez point que ces larmes ne vous prennent à l'improviste. Car quand vous direz, paix et sécurité, alors la mort fondra tout à coup sur vous, comme les douleurs de l'enfantement saisissent la femme grosse, et vous ne pourrez y échapper ( I Thess. V, 3) : Ce sera avec justice assurément, puisque vous vous plaisez aujourd'hui à perdre le temps pendant lequel vous devriez voir, et vous vous détournez de la seule voie ouverte à la fuite.

5. Le Seigneur a dit : « Priez Dieu que votre fuite n'arrive ni en hiver, ni le jour du sabbat (Matt. XXIV, 40). » Fuyez pendant que le temps est favorable, et qu'une voie pleine de charmes se présente à vous. Fuyez pendant les six jours qu'il est permis de travailler. Fuyez dans les six témoignages dont nous avons parlé plus haut, je veux dire dans les témoignages de la justice, de la vérité, de la rémunération, de la toute-puissance, de la souveraine bonté et de l'éternité, si vous ne voulez point, je ne dis pas donner, mais souffrir le dernier, je veux dire le septième témoignage, celui du zèle. Race de vipères, qui vous a avertis de fuir la colère à venir (Luc. III, 7)? La voie où vous courez est une    voie de mort, une voie de perdition, une voie dont le terme est un précipice au fond même de l'enfer. Pourtant il vous reste toujours une espérance, car vous n'êtes pas enture arrivé au terme de votre voie, je veux dire de votre vie. Hâtez-vous de le prévenir, ce terme, de peur que surpris vous-mêmes vous ne demeuriez là où vous seriez tombés. Venez, mes enfants, écoutez-moi, je vous enseignerai la voie du salut, la voie du témoignage de Dieu dans laquelle vous puissiez goûter des délices pareilles à celles qu'on trouve dans des trésors.

6. Que notre première étape nous conduise jusqu'à votre coeur, car c'est là, pécheurs, que la voix de Dieu nous appelle, là, que le témoignage de sa justice engendre la crainte et là componction. De là, passons à la confession des lèvres et n'hésitons point à rendre témoignage à la Vérité même contre nous, car elle rougira devant son Père de quiconque aura rougi d'elle devant les hommes (Luc. IX, 26). Faisons marcher ensuite le détachement de nos biens et la distribution de nos richesses selon ce qui est écrit : « Il a répandu des biens avec libéralité sur les pauvres, sa justice demeure dans tous les siècles (Psal. CXI, 6), » et ailleurs : « Si vous voulez être parfaits, allez, vendez ce que vous avez, donnez-le aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel (Matt. XIX, 21). » Dans ce libéral partage de vos biens se trouve le témoignage des largesses divines et de ses dons abondants, car celui qui donne ses dons de son plein gré, montre évidemment qu'il en attend de plus considérables de la main du Seigneur. Mais il y a un quatrième témoignage à rendre à Dieu, c'est celui de la toute puissance; il se trouve dans la mortification du corps. Sans doute il faut semer un corps animal, mais c'est pour qu'il ressuscite spirituel (I Cor. XV, 44). Celui donc qui épargne sa chair ne vous semble-t-il point douter de sa résurrection et de son changement? De même celui qui n'est pas contrit de coeur doute de la justice; celui qui ne confesse point de bouche ses péchés, doute de la vérité, et celui qui est avare .doute des récompenses futures, et ainsi de suite pour les autres attributs. Et si vous allez jusqu'au point de renoncer à votre propre volonté, vous rendez un témoignage indubitable à la bonté de Dieu, car, en en venant là, vous attestez hautement que vous ne voulez point faire votre volonté, mais celle de Dieu que vous placez avant la vôtre, vous criez sinon de la bouche et de la langue, du moins de fait, et en vérité, que personne n'est bon, si ce n'est Dieu (Luc. XVIII, 19).

7. Il vous reste après cela à persévérer, car la persévérance est le reste de la route à faire, c'est le témoignage de l'éternité. En effet, la persévérance dans notre genre de vie est une image de l'éternité de Dieu, puisque nous reproduisons dans cette vie ce qu'il est en lui-même en imitent, dans la faible mesure de notre pouvoir, son incommutabilité. Voilà ce qui faisait dire au sage : » L'insensé est changeant comme la lune, et le sage stable comme le soleil (Eccl. XXVII, 12). » Telle est la voie, mes très-chers frères, parcourez-la, car c'est en montant de vertu en vertu que vous verrez le Dieu des dieux dans Sion (Psal. LXXXIII, 8) Puisse à cette glorieuse vision nous conduire le Seigneur. des vertus et le Roi- de gloire, Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui est la voie, la vérité et la vie.

 

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